Par Christina Györkös
Christina Györkös est Scientific Officer au Centre LIVES depuis 2019. Elle présente un dialogue entre deux collègues en combinant les notions de la communication en organisation, le bien-être au travail, et les vulnérabilités individuelles.
Christina insiste aussi sur l’importance des ressources, qui se cultivent avec délicatesse, petit à petit, telle une plante.
Le cabinet de Gilda et Luc
Nous sommes dans le cabinet où travaillent Gilda et Luc. Gilda a fait de longues études pour devenir chiropraticienne. Elle s'est battue pour surmonter ses difficultés de dyslexie et poursuivre son rêve. Elle a compris qu'elle devait être une guerrière et faire plus d'efforts pour atteindre ses objectifs. Bien que de nature sensible, elle est aussi très persévérante.
Aujourd'hui, elle est chiropraticienne, propriétaire de son cabinet et a construit un solide réseau avec son associé Luc, avec qui elle partage le cabinet. Il s'occupe de la plupart des tâches administratives et elle prodigue les soins à la majorité des patients. En échange de cet arrangement, ils ont tous deux le même salaire, dans un partenariat professionnel à parts égales.
Aujourd'hui, son associé a demandé à la rencontrer pour discuter de diverses choses. Ils tiennent ces réunions régulières pour faire le point sur leurs patients et la gestion globale. Mais cette fois, le ton de Luc est plus grave et son regard plus sévère que d'habitude.
Luc : "Ecoute Gilda, je vais être franc avec toi. Tu as oublié une facture sur ton bureau pendant environ 3 mois et maintenant nous sommes dans le pétrin.
Gilda : Je ne vois pas. De quelle facture parles-tu ?
Luc : La facture pour notre équipement... les deux nouvelles tables de massage. Nous avons une grosse pénalité de retard sur cet achat maintenant et nous devons payer dans les 5 jours.
Gilda : Mais qu'est-ce que cette facture faisait sur mon bureau en premier lieu ? Je ne me souviens même pas d'avoir ouvert cette enveloppe.
Luc : Ok, c'est peut-être une erreur de ta part. Ce n'est pas grave. Cela peut arriver une fois. "
Luc regarde Gilda pendant quelques secondes, hésite. Finalement, il dit :
Luc : je ne veux pas te faire de peine, mais je suis inquiet pour toi. Tu sembles plus distraite et tu as fait d'autres erreurs avec des patients juste la semaine dernière.
Gilda : Sommes-nous au tribunal ici ? J'ai l'impression d'être à nouveau en face de mon père et d'avoir 10 ans. Donne-moi ta liste d'erreurs, vas-y.
Luc : Vous avez oublié de noter le numéro d'assurance d'un patient. Maintenant, elle ne répond pas à nos lettres, e-mails ou appels téléphoniques. Résultat : nous n'avons aucun moyen d'être payés pour les deux rendez-vous pour lesquels elle est venue.
Gilda : Je me souviens du jour où j'ai fait cette erreur. La réceptionniste était absente toute la journée. Tu n'étais pas là non plus. J'ai dû gérer seule la réception et le cabinet avec beaucoup de patients.
Luc : Ok, je te comprends. Ensuite, il y a eu l'inondation dans la cuisine lorsque la machine à café s'est mise en route automatiquement sans qu'aucune cafetière ne soit installée. Le comptoir et le sol étaient noyés dans le café quand je suis arrivé ce matin-là. J'ai dû tout nettoyer.
Gilda : Ce n'était pas ma faute. L'intelligence artificielle s'est trompée cette fois.
Luc : Ok, mais, il y a plus.
Gilda : Tu n'as pas fini ?
Luc : Je veux juste savoir si tu vas bien.
Gilda : Oui, je vais bien. Ce qui ne va pas bien, c'est le fait que je suis parfois confrontée à trop d'imprévus que je ne gère pas.
Luc : Mais, il y aura toujours des imprévus.
Gilda : Oui. Exactement. Nous devons vivre avec des incertitudes. Fin de l'histoire. Vis avec, Luc. Je ne suis pas parfaite et toi non plus. La différence, c'est que je ne viens pas te voir avec une liste de toutes tes erreurs, parce que je me dis que tout comme moi, tu es humain, et que pour l'essentiel de notre collaboration, ça marche plutôt bien. "
Sur ce dernier mot, Gilda regarde Luc pendant quelques secondes, avec bienveillance. Elle a traversé de nombreuses tempêtes dans la vie. Elle ne permettra pas qu'une petite liste d'erreurs la contrarie.
Gilda : " Laisse-moi te dire. Je pense que nous formons une bonne équipe toi et moi. Nous nous complétons mutuellement avec nos faiblesses et nos forces. Nous parlons régulièrement et nous avons même des plantes au cabinet qui restent vivantes et fleurissent ! Le jour où elles ne feront plus de fleurs, tu auras une bonne raison de t'inquiéter. Cela signifierait que nous n'avons pas répondu aux attentes et que nous n'avons pas su entretenir notre collaboration. Cela signifierait également que nous n'avons plus d'argent pour rempoter nos plantes comme il se doit. Ce jour-là, vous aurez de bonnes raisons de vous inquiéter. Regardez ce que nous avons fait ensemble Luc. Nos patients sont fidèles, ils nous recommandent à leurs amis, leur famille et leurs collègues de travail. C'est un signe incroyable.
Luc : Quand tu vois les choses comme ça, tu as raison. Peut-être que je suis trop concentré sur les tâches quotidiennes et que j'oublie la vue d'ensemble.
Gilda : Tu sais ce que je pense ? Tu as besoin de vacances. Nous fermons le cabinet pendant deux semaines en décembre pour les vacances. Tu devrais aller dans le Sud comme tu l'as toujours voulu et te libérer un peu l'esprit. Ça fait au moins un an que tu n'as pas pris de vraies vacances. Je te suggère même de prendre une semaine de plus. Je m'occuperai du cabinet avec la réceptionniste pendant ton absence. Nous prendrons un peu moins de rendez-vous avec les patients pour être sûrs de ne pas avoir trop de travail.
Luc : Oui, c'est vrai, vous avez raison. Et merci ! "