La régularisation des personnes sans-papiers est favorable pour l’intégration sociale et familiale, en particulier pour les hommes. Les personnes régularisées ont retrouvé leur liberté de mouvement, et bénéficient de meilleures conditions de travail, de logement et de santé, ainsi que d’une meilleure situation financière. Pour autant, leurs conditions de vie demeurent fragiles et l’accès aux prestations sociales reste difficile.
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Une amélioration des conditions de vie et la santé des migrant·es malgré une situation encore fragile
Bien que leurs profils et leurs origines varient, la majorité des migrant·es sans-papiers installé·es à Genève ont les mêmes motivations : sortir de la pauvreté et assurer l’avenir de leurs enfants. Cette population contribue de façon importante à l’économie genevoise et à la cohésion sociale, mais sans être officiellement reconnue.
Obtenir un permis de séjour est une opportunité pour ces personnes de stabiliser leur situation en matière de logement et avoir enfin un « chez soi » ( au début de l’étude, 70 % d’entre elles et eux sous-louaient leur logement ). Par ailleurs, cela permet aux migrant·es de voyager et revoir leurs proches, parfois leurs propres enfants, après de nombreuses années.
Le revenu moyen des migrant·es en voie de régularisation est d’environ 35’000 CHF/an, souvent cumulé sur plusieurs emplois. Ce montant est plus élevé que celui des personnes sans-papiers, mais bien en-dessous de la moyenne genevoise (env. 80’000 CHF/an). Outre un meilleur salaire, la régularisation favorise également les emplois déclarés ainsi que l’affiliation à Chèques-Service. Pour autant, les personnes régularisées doivent faire face à de nouvelles charges, telles que l’assurance-maladie ou les impôts.
L’amélioration de la situation sociale, économique et liée au logement des personnes en voie de régularisation a un impact positif sur leur santé, notamment psychologique. Malgré cela, les participant·es sont encore confronté·es à de fréquents risques pour la santé au travail et de nombreuses personnes renoncent à certains soins médicaux en raison de leur coût.
L’Étude Parchemins s’inscrit dans la continuité de l’Opération Papyrus qui a permis la régularisation de certain·es migrant·es vivant dans le canton de Genève. 450 personnes ont participé à l’étude, qui vise à comparer l’état de santé des personnes régularisées à celui du reste de la population, avant et après l’obtention d’un permis.
Plus d'informations sur le projet Parchemins
La nécessité de la volonté politique pour avancer
La table-ronde tenue le 15 février 2023 a réuni académicien·nes et professionnel·les de terrain. Cet évènement modéré par Laurence Difélix a fait émerger les principales plus-values des projets Papyrus et Parchemins.
Marianne Halle, du Centre de Contact Suisses-Immigrés, a souligné que ces projets ont mis en lumière du travail (en) secret réalisé par les personnes sans-papiers, qui participent activement à l’économie et à la cohésion sociale de la population. Elle soulève également la question du coût de continuer cette hypocrisie et de ne pas régulariser ces migrant·es. Selon elle, les conséquences néfastes seraient multiples : car, sans régularisation, cette population arrive à l’âge de retraite sans assurance sociale ni de revenus, ne retourne pas dans son pays après des décennies d'absence. Elle insiste sur la nécessité d'adapter les démarches administratives à ces parcours de vie, qui sont partie intégrante de notre société.
Dans la même dynamique, Nicolas Roguet, du Bureau de l’Intégration des Étrangers de l'Etat de Genève, a relevé l'importance des partenaires sociaux dans cette thématique. En effet, en près de 20 ans, les interlocuteur·ices n’ont que très peu changé et restent des personnes de référence, qui travaillent avec la société civile de façon horizontale. Par ailleurs, il rappelle que Papyrus a été très bénéfique pour les charges sociales des personnes sans-papiers, car les employeurs·euses ont parfois payé rétroactivement ces charges pour plusieurs années. Le secteur de l’économie domestique s’est ainsi beaucoup amélioré dans le canton de Genève en termes de travail au noir, grâce à Papyrus et à la volonté politique qu’il traduisait.
La prof. Myriam Carbajal de la Haute École de Travail Social de Fribourg a indiqué qu'un des effets positifs de la régularisation est la légitimité d'un séjour ressenti comme illégitime par les migrant·es. Car l’étiquette de « sans-papiers » donne une image d’individus qui n’ont pas le droit d’être ici et que leur place est ailleurs. Le permis de séjour est une possibilité de se sentir « comme les autres » et a ainsi un impact important au niveau identitaire. Ce sentiment vient s'ajouter à l'immense résilience de la population des migrant·es sans-papiers, de leur grande capacité d’action et de leur importante débrouillardise.
Enfin, le prof. Ferro-Luzzi de l'UNIGE a géré le pan économique de l’enquête Parchemins. Il affirme que la régularisation des personnes sans-papiers n’a pas provoqué « d’appel d’air » d’autres migrant·es. En effet, pour cela, il aurait fallu que les jobs « au noir » soient libérés. Dans le cadre de l’opération Papyrus, ces emplois ont été assainis et rendus officiels. Par ailleurs, les personnes régularisées ne se sont pas retrouvées à l’aide sociale, car les personnes avaient un revenu et disposent d’une très grande résilience.
Ces résultats font de Papyrus une action rentable, économiquement et socialement, car elle a facilité l’intégration des migrant·es et combat l’hypocrisie de leur situation.